En ce moment je vis ma vie en succédanés. Du sommeil liquide le matin, noir et chaud, réconfortant comme un vrai lit. De la santé en cachet, facile, rapide et efficace. Des hormones en barrettes pour oublier que je suis une femme. Des yeux en bonne santé à se mettre sur le bout du nez, un morceau de métal pour pallier la faiblesse de mes muscles, un téléphone portable pour remplacer mon cerveau.
Tout est succédané de succédané.
Je ne comprends pas bien la politique de nos jours. J'ai fait ma première procuration. Dans une petite ville de campagne, c'est presque le seul truc que font les gendarmes. Ah, non, y avait cette meuf qui portait plainte parce que son courrier lui est volé. Mais qui vole le courrier de quelqu'un ? Haha, sûrement un noir, non ? Ou un juif. (C'est du second degré pour moi, pour elle je suis un poil moins sûre).
Si on parle d'UMPS et de PSFN, est-ce que ça veut dire que tout le monde est de droite ? A quand l'UMPSFN ? Un parti unique. Pourquoi pas ? On en a vu d'autres réussir à instituer cela.
Tout est succédané de succédané.
Les cours, ça va, et en même temps ça va pas. Je tiens la tête hors de l'eau, je n'ai pas eu une seule note sous la moyenne pour l'instant à ce semestre. Mais je bosse tout le temps. Trop d'exposés, de DS, trop de cours et pas le courage de les sécher comme mes petits condisciples. Qui sont plus cons que disciples pour la plupart d'ailleurs. Depuis que je suis à la fac je me rends compte que tous les clichés, absolument tous les clichés qu'on nous a servi en prépa sont vrais. Les faqueux ne vont jamais en cours, ça ne les gêne pas de ne pas venir faire leur exposé, même quand il faut abandonner le condisciple qui l'a préparé avec vous, ils dorment ou jouent sur leurs ordinateurs... Je sens mon quotient intellectuel qui baisse doucement. Heureusement, il y a les exceptions.
Tout est succédané de succédané.
La vie ressemble à une vache qui rit. C'est drôlement bon, ça fond sur la langue, ça à l'air pur... Mais quand tu sais comment c'est fait, en vrai, en profondeur, en fait... Ben t'as une de ces envie de gerber.
Un succédané de succédané.
Je lit des livres pessimistes en ce moment. Le meilleur des mondes. 1984. Je regarde des films du même genre. Et du théâtre un peu aussi. Et je me dis que, en fait, peut-être, ce ne serait pas si mal. Être contrôlé. Être surveillé. Être enrôlé. En Permanence. Ne plus avoir à penser, à réfléchir, à se demander si oui ou non c'est moral. Juste suivre un chemin tracé tout droit vers le cercueil. Peut-être, je dis bien peut-être. Peut-être que c'est ça le bonheur. Mais le bonheur n'est qu'une notion qui nous empêche de profiter du plaisir.
Tout est succédané de succédané.
J'ai parlé à mes profs de mon projet professionnel. Pour la première fois, j'ai entendu des adultes me dire "C'est un projet bien défini et réfléchit", "C'est un bon projet", "J'aimerais que cela se réalise", "J'aimerais diriger vos recherches". Ça fait plaisir à en pleurer putain. J'étais là, sans confiance en moi, et d'un coup on me donne le feu vert, aller, fonce ma vieille, fais le, démerde toi mais fais le. J'ai aussi eu des contacts. Une dame très gentille qui doit à peine avoir cinq ans de plus que moi, que je vouvoie, que je vais peut-être rencontrée et que j'imagine déjà très belle d'après ses mots.
Mais tout est succédané de succédané.
Y a ce mec aussi. Avec qui j'ai passé deux mois comme un clignement d’œil. A parler, se chauffer, se câliner, s'embrasser, je t'adore, touche moi, serre moi contre toi, dis tu veux être mon officiel ? Boum. Moi, je voulais plus me mettre avec quelqu'un et ça m'a semblé évident de lui demander. Boum. Moi j'avais plus confiance en personne et ça m'a semblé évident de lui faire confiance. Boum. Moi j'ai eu peur et finalement quand je le regarde je me dis que c'est bien, c'était évident.
Mais il n'est pas le succédané d'un succédané.