Je joue à être mon père.
Ce soir, je suis tout seul dans la maison. Je dois m'occuper de moi seul, je dois jouer à être mes parents. Je dois aussi bien prendre soin de la maison.
D'habitude, le soir, on mange tous ensemble. A huit heures, quand sonne l'horloge, mon père se lève toujours de table, même s'il n'a pas fini son assiette. A huit heure, quand sonne l'horloge, mon père se lève et va regarder la guerre, à la télévision.
Il se tient la, assis bien droit dans son gros fauteuil, la petite table avec son verre de whisky à ses côtés, il regarde des gens mourir, il regarde le sang couler, accompagné de larmes ; il regarde les cadavres.
Mon père sourit toujours devant l'écran de télévision, comme s'il était satisfait de voir la guerre.
Ce soir, je suis seul. Je mange seul, à la place de Père, je mastique avec son air grave. A huit heure, quand sonne l'horloge, je me lève sans débarrasser, et je vais me poster, bien droit, sur le lit, en dessous du grand vasistas du grenier. Je joue à mon père.
J'ai essayé d'être exactement comme lui, de regarder l'horreur, un sourire sadique aux lèvres, un verre d'alcool fort à la main, mais j'ai pleuré, mais j'ai suffoqué.
Alors, je vais voir le ciel. Il est tranquille le soir, étoilé et sombre, blanc et noir à la fois. C'est beau, et je me dis que les gens qui font la guerre devraient regarder le ciel des fois. A côté de moi, j'ai déposé ma honte, et un grand verre de jus de fruit.
Mon père regarderait l'horreur, mais est-ce qu'il n'en a pas peur, quelque part ?
Moi, je regarde le calme, et il m'apaise. Tout va bien ici.
Mon père...
...Me retrouvera endormi sous la beauté du ciel.