Je suis fatiguée, si fatiguée. Et pourtant, je n'ai rien fait de ma journée. Les heures se sont écoulées, longues et monotones. Je n'ai pas fait mes DMs, je n'ai pas travaillé ma physique. Je suis pourtant une merde dans cette matière. Je n'y arriverais jamais. Les épreuves du BAC se rapprochent, j'ai échoué mon oral blanc, en sortant des conneries telles que "
Dom Juan et
On ne Badine pas avec l'Amour sont des comédies classiques".
Je n'ai pas travaillé non plus ces chansons que je veux tant apprendre :
J'avais un Camarade,
It's a Long Way to Tipperary,
Keep the Home Fires burning...
Je suis une merde.
Et je suis si fatiguée, à trop dormir, à trop manger, à trop rêver. Je ne fais rien, rien, jamais, de bien.
Pourtant, j'ai été voir Robert Drouin. Pauvre, pauvre poilu tombé pour un village inconnu qui ne lui montre même plus de reconnaissance moins de cent ans après. Je me suis levée, j'ai rendu les honneurs, je me suis tenue bien droite à coté du porte-drapeau. Mais en civil, rien n'est pareil. Rien ne vaut le coup. En civil, je suis une merde. Dans cette époque, je suis une merde. Je le suis et le resterai. Je suis une merde finie.
J'aurai du naitre en 1894. Cent ans avant. Cent ans après. On est pas à un siècle prés. Mais si. Mais non. Ha ! mon coeur !
Ha ! porter des corsets, prendre mon indépendance, et voir mon pauvre, pauvre mari rentrer estropié d'une guerre trop cruelle pour l'Humanité ! Ha ! élever mes enfants, et leur dire d'aimer toujours la patrie, leur dire qu'il faut
toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir !
Quoi qu'on en dise, la vie aurait été bien moins difficile à l'époque. Si seulement j'étais une de mes chères ancêtres, Alsacienne ou Tchèque.
Putain, mais moi je suis fatiguée, hors combat, hors sujet, hors d'haleine.
Je suis juste un de ces trop nombreux déchets humains. Et je me laisse aller.