Love me, Take me, Betray me, Leave me

Je pars seule, je ne préviens personne. Je dis juste "Je vais fumer".
Et puis, quand je reviens, épuisée, deux heures après, et que les gens me demandent ou j'étais passée, bordel, je ne réponds rien.

Chaque jour qui passe, je ressemble un peu plus à une clodo. Mes mitaines de laine bleue sont sales, décousues et un peu noircies, mes sweats sont quelque peu déchirés, mes bas tombent en loques, et je me demande si le cuir de mes chaussures ne va pas m'abandonner.
Je marche beaucoup, je traine les talons, puis je les fait voler, je crie à tue-tête dans la rue, et les passants me regardent bizarrement. Même les vieux ne se souviennent plus des chansons que je chante.
Je ressemble à un vagabond, et en fait j'aime bien.

Je me dis souvent que si la Troisième Guerre Mondiale éclate, je prendrai un train jusqu'à Paris, puis jusqu'à Toulouse. Ensuite je marcherai. Et je rejoindrai les maquisards. Je le mérite. Je veux dire...
Qui mieux que moi pourrait défendre mes idéaux ?
Mais si je pars, je ne voudrais pas inquiéter mes parents. Ma mort ne doit pas les faire pleurer, mon combat ne doit pas les déshonorer. Ils m'ont enfantée pour le meilleur mais surtout pour le pire. Alors si je tombe au combat, j'aurais au moins le mérite de n'être pas restée les mains dans les poches.

Je vais avoir 17 ans... Bordel, 17 ans et j'ai rien foutu de ma vie.
Dans un an et quelques, j'aurai ma deuxième majorité, toutes mes dents, mais rien pour mordre dedans... Je n'ai rien fait de ma vie. J'ai encore 13 ans dans ma tête, à jamais. Je ne suis qu'une gosse, mais je vais devoir voter, travailler, me prendre en main, me trouver une vie, un mari, faire des enfants, payer mes dettes...

Merde.
J'ai peur, merde !