Sarko si tu savais.
Tout va bien. La France est au bord du gouffre, les lycées sont presque
fermés, il n'y aura bientôt plus de pétrole, plus de transport, plus de
routiers, plus rien.
Ca change de la routine, et ça me plait, cet élan de solidarité destructeur. Au moins, ça change la routine.
Mais c'est fatiguant.
Qu'est-ce que c'est bien, de se sentir libre, de marcher dans la rue en
scandant des slogans gauchistes, le poing levé et le sourire aux
lèvres. Cet élan, cette vague de personne qui vous porte. Les fumigènes
qui font légèrement suffoquer, et qui embrument l'air de mille
couleurs. Les drapeaux qui volent, les autocollants. Les petits qui
luttent sans trop savoir pourquoi, les retraités qui nous soutiennent,
tout ce monde. C'est encore plus impressionnant qu'au lycée !
Je hurle en coeur avec eux. Nous disons toujours du mal de Sarko. Mais
ou sont ses électeurs ? Surement ces abrutis qui nous regardent passer,
comme les vaches regardent les trains. Devant eux, mon poing s'envole
plus facilement, je hurle plus fort encore :
"Tous ensemble, tous ensemble OUAIS ! OUAIS !"
"Sarko si tu savais ta réforme, ta réforme, Sarko si tu savais ta
réforme ou on s'la met ! Au cul ! Au cul ! Aucune hésitation !"
"Assez de sacrifices et d'injustices ! Du fric il y en a : il faut taxer le patronat !"
Je suis emportée par le courant, je m'arrête devant le camion, les
discours sont profonds, ça change des cours du lycée, et de la
télévision. On nous appelle à revenir jusqu'a ce que la réforme
(tré)passe. Je hurle en même temps que les cornes et les autres gens.
Le drapeau
Résistance hurle fort, surement un anarchiste. Je le
vois à chaque manifestation. Un drapeau de la FA marche un peu devant
ceux du PCF, devant le camion de la CGT. Quelques personnes du NPA.
Beaucoup de gauchistes, en somme. Comme si les gens de droite allaient
se bouger le cul, pour une cause qui leur fait du bien. Eux,
continueront à profiter.
La camion reprend sa route. Des gens dansent "Un pas en avant ! Trois pas en arrière !"
Ils ont l'air heureux d'être la. A la provocation, nous hurlons que
nous ne sommes pas fatigués. On ne s'arrête pas. On parle beaucoup,
même à des gens que je ne connais pas. Je croise plusieurs personnes du
lycée. La jeunesse est dans la rue, ce qui, la plupart du temps, signe
le début de la fin. C'est tout ce que je souhaite. Que Sarko aille se
faire embrocher, comme disait le petit prés de moi. Et même, qu'il
aille se faire enc... comme disait la toute petite, avec sa pancarte
"Moi aussi, je veux la retraite à 60 ans". Comme si on pensait à ça à 6
ans. J'ai souri en la voyant.
Parce qu'aprés tout, nous les jeunes, sommes le symboles du futur. Et
si seuls nos parents bougent pour ce futur, rien ne changera. Il faut
que nous arrêtions de nous branler, et que nous descendions dans la
rue. Mardi, c'est le dernier jour, la dernière grève avec que le
gouvernement ne nous sodomise tous.
Moi, je ne resterais pas à me branler bien sagement en attendant de crever.
